[Redcercana] La Bosnie, arrêt obligé des migrants en quête d’Europe

Yolanda Rouiller roal en nodo50.org
Lun Feb 4 20:23:01 CET 2019


  La Bosnie, arrêt obligé des migrants en quête d’Europe

Plus de 5000 migrants sont bloqués dans le pays, alors que de nouvelles 
arrivées massives sont attendues au printemps. L’Union européenne 
investit pour «retenir» les candidats à l’exil dans les Balkans

Le plus grand squat de Sarajevo se trouve au cœur de la vieille ville, à 
quelques pas de la célèbre place aux pigeons, en face de la Faculté de 
théologie islamique. Lahcen vient de Tanger. Le jeune homme clopine sur 
le sol en béton dans de vieilles baskets enfilées comme des pantoufles: 
il garde de sa dernière tentative de passage de terribles engelures aux 
pieds. «J’ai marché sept jours dans la neige pour traverser la Croatie. 
La police m’a arrêté un peu avant que j’arrive à la frontière slovène», 
souffle-t-il.

La nuit est tombée sur Izacic. Malgré la neige, le ballet des voitures 
et des camions se poursuit dans l’unique rue du village, à la pointe 
nord-ouest de la Bosnie-Herzégovine, jouxtant la frontière croate. Cinq 
ressortissants d’Algérie et du Maroc sont attablés sous la véranda d’un 
café, ni chauffée ni éclairée. Un camion ralentit et s’arrête devant 
l’épicerie située de l’autre côté de la rue. Aussitôt, deux d’entre eux 
se ruent pour tenter de voir s’il est possible de se glisser sous la 
remorque.

«J’ai un ami qui a réussi à le faire», assure Mustafa, 21 ans, 
originaire d’Alger. «Au bout de trente heures, il est arrivé en 
Autriche!» La performance fait rêver le jeune homme, mais les deux 
candidats au départ reviennent vite prendre leur place, couverts de 
neige, tandis que le camion s’ébranle vers le poste-frontière.


      Tentative dans la neige

Beaucoup de migrants arrivent pourtant à passer. A condition, bien sûr, 
d’aider un peu le sort. «Si les migrants s’entendent avec le chauffeur 
et le chauffeur avec des policiers, le camion ne passera pas au scanner 
de contrôle. L’autre option est de s’entendre avec un chauffeur de taxi, 
lui aussi de mèche avec la police», explique un travailleur humanitaire. 
«Franchir cette frontière n’est pas très difficile si l’on a de l’argent.»

Justement, de l’argent, Mustafa et ses amis n’en ont pas. Il ne leur 
reste donc qu’à tenter et retenter le «game», ce jeu du chat et de la 
souris auquel se livrent les candidats à l’exil et la police depuis que 
la route des Balkans est officiellement fermée. Le but est de franchir 
la frontière à pied en échappant aux patrouilles. Les candidats au 
départ ne se laissent pas impressionner par la neige: ils considèrent 
même qu’elle réduira le nombre de policiers sur leur chemin. Ils 
s’engagent au péril de leur vie dans les collines qui séparent la 
Bosnie-Herzégovine de la Croatie, sans entraînement, ni équipement ou 
vêtements adéquats; 23 500 migrants ont traversé la Bosnie-Herzégovine 
au cours de l’année 2018.


      «Interdits de camps»

Mustafa a déjà tenté une dizaine de fois de passer, certains de ses amis 
plus souvent encore, et l’histoire s’est toujours terminée de la même 
manière: une arrestation par la police croate, avec son lot de violences 
gratuites, puis un retour forcé en Bosnie-Herzégovine. Les jeunes hommes 
montrent les écrans de leurs téléphones portables, brisés par les 
policiers croates. Tous parlent de coups et d’argent volé.

Le visage d’ange de Mustafa est affiché au mur du bureau de la direction 
du camp de Bira, à Bihac, le chef-lieu du canton d’Una Sana, où se 
concentrent les deux tiers des migrants présents en Bosnie-Herzégovine. 
Il figure sur la liste des «interdits de camp», qui recense une 
vingtaine de personnes. Hormis un ou deux Pakistanais suspectés de se 
livrer au trafic de drogue, tous les proscrits viennent d’Algérie ou du 
Maroc. On leur reproche d’avoir volé des téléphones, des vêtements, ou 
d’avoir provoqué des bagarres. Les ressortissants du Maghreb – de jeunes 
hommes célibataires – ont mauvaise réputation sur tous les chemins des 
Balkans, peut-être parce qu’ils sont très minoritaires face aux «gros 
contingents» venus d’Afghanistan et du Pakistan.


      Enorme bagarre

Coincé entre des lignes à haute tension et un centre commercial, en 
périphérie de la ville de Bihac, le camp de Bira a ouvert en novembre. 
Dans les immenses hangars de cette ancienne fabrique de réfrigérateurs, 
plus de 2200 personnes sont hébergées. La capacité initialement prévue 
était de 1500 places, mais elle a été bien vite dépassée.

D’immenses tentes, financées par le Croissant-Rouge de Turquie, ont été 
montées à la hâte, à côté des containers «familiaux» prévus par 
l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui gère le 
camp. Vendredi soir, peu après 21 heures, une énorme bagarre a éclaté, 
faisant des dizaines de blessés et d’énormes dégâts matériels. La police 
du canton est intervenue, interpellant une cinquantaine de personnes, 
dont onze ont été maintenues en détention, huit Afghans, deux 
Pakistanais et un Indien…

De grandes palissades ont été installées pour séparer les préfabriqués 
dans lesquels sont logés les familles, les femmes seules et les mineurs 
isolés. Dans la partie réservée aux célibataires, des bagarres éclatent 
toutes les nuits. «On entend des cris, des coups», raconte Djamilah, 
issue de la minorité arabe d’Iran. La jeune femme ose à peine sortir de 
son petit logement, de peur de subir une agression. «Un camp de plus de 
2200 personnes, c’est compliqué à gérer, surtout quand les gens sont 
désespérés de ne pas réussir à passer et restent là parce qu’ils n’ont 
plus d’argent», reconnaît Stéphane Moissaing, chef de mission de 
Médecins sans frontières (MSF) dans les Balkans.


      *Hospitalité intéressée*

Depuis quelques semaines, beaucoup de migrants quittent la 
Bosnie-Herzégovine pour revenir en Serbie, où les camps gérés par le 
gouvernement offrent de meilleures conditions. Il s’agit pour eux de 
passer les mois d’hiver, avant de reprendre la route au printemps. Et la 
police serbe laisse entrer ces migrants qui semblent avancer à 
contresens. Belgrade a en effet touché près de 100 millions d’euros 
d’aide européenne depuis 2016 et a «besoin» de remplir ses camps pour 
justifier le maintien de ces dotations. La migration, rappelle Stéphane 
Moissaing, «cela représente beaucoup d’argent, des emplois directs et 
indirects, du commerce, légal comme illégal». Une manne précieuse pour 
tous les pays des Balkans.

L’OIM gère deux autres centres d’accueil dans le canton d’Una-Sana, 
Sedra et Borici, qui sont réservés aux populations vulnérables, 
familles, femmes et mineurs isolés. Ancien orphelinat abandonné depuis 
les années de guerre, Borici était jusqu’à l’automne un immense squat où 
s’entassaient plus d’un millier de personnes, et où les passeurs 
faisaient ouvertement leurs affaires. L’Union européenne finance les 
travaux de rénovation du bâtiment, appelé à devenir un centre d’accueil 
durable. «Bien sûr, tout le monde s’attend à une nouvelle vague au 
printemps», reconnaît le responsable de MSF. «Comme les frontières de la 
Croatie ne vont pas s’ouvrir, beaucoup de gens resteront bloqués en 
Bosnie, dans la région de Bihac, du moins tant que de nouvelles routes 
n’apparaîtront pas.»

Jean-Arnault Dérens, envoyé spécial à Bihac
Publié dimanche 3 février 2019

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