[energiadecreixent] Articulo de Latouche sobre crisis en Grecia (...y España)

federico demaria federicodemaria a hotmail.com
dis jul 2 13:28:43 CEST 2011



Alquien nos puede ayudar a traducirlo en otros idiomas? Muy relevante para el debate 15M
Gracias, fed
	
	
	
	


La
double imposture de la « rilance »
Par
Serge Latouche, Professeur émérite d’économie à l’Université
d’Orsay, objecteur de croissance







Introduction :  Qu’est-ce que la « rilance » ?
C’est au fond ce qui a été
proposé au sommet (G8/G20) de Toronto, un programme affichant
simultanément et
la relance et
l’austérité. Le premier ministre allemand, Angela Merkel,
plaidait pour une politique vigoureuse de rigueur et d’austérité.
Le président américain, Barak Obama, craignant de casser la timide
reprise de l’économie mondiale et étatsunienne par une politique
déflationniste, plaidait pour la relance raisonnable. L’accord
final s’est fait sur une synthèse bancale : la reprise
contrôlée dans la rigueur et l’austérité tempérée par la
relance. Notre ministre de l’Economie, qui n’était pas encore
présidente du FMI, Christine Lagarde, a alors risqué le néologisme
« rilance » (contraction de rigueur et relance) ! Ce
faisant, elle emboitait le pas au  conseiller du président Sarkozy,
Alain Minc, qui, interrogé sur ce qu’il fallait faire dans la
situation critique engendrée par la déstabilisation des Etats par
les marchés financiers que ces mêmes Etats venaient de sauver de la
déconfiture, a eu cette formule admirable : Il faut appuyer à
la fois sur le frein et sur l’accélérateur. 


Toutefois, dénoncer la double
imposture de ce programme constitue un triple défi pour moi : 


D’abord parler en ce lieu,
l’enceinte du parlement européen à Bruxelles – temple de la
religion de la croissance – à partir d’une position iconoclaste,
la décroissance, d’un sujet dont, de plus, je ne suis pas
spécialiste, la Grèce et la crise de la dette souveraine. 


Ensuite, parler en ce lieu –
temple de la politique – à partir d’une position de « savant »,
donc pour reprendre la distinction et l’analyse de Weber, selon
l’éthique de la conviction et non l’éthique de la
responsabilité.

Enfin, Soutenir un point de vue
paradoxal : ni rigueur, ni relance !

Rejeter la rigueur ou l’austérité
est une position sur laquelle je peux au moins trouver des alliés
(même si très minoritaires) tant chez les économistes, par exemple
Fréderic Lordon, que chez les politiques, par exemple J-L Mélanchon
dans son programme actuel. 


Rejeter la reprise de la
croissance productiviste et sortir de la religion de la croissance
est une position, admise par certains écologistes pour le long
terme, mais totalement oubliée pour le court terme.

C’est pourtant à ce triple
défi que je vais tenter de répondre, en reprenant les deux refus
celui de la rigueur et celui de la relance. 


I – Ni rigueur :
Refuser l’austérité. 


La crise grecque s’inscrit dans
le contexte plus large d’une crise de l’Euro et d’une crise de
l’Europe. Et bien sûr d’une crise civilisationnelle de la
société de consommation, c’est-à-dire une crise qui conjoint une
crise financière, une crise économique, une crise sociale, une
crise culturelle et une crise écologique. Ma conviction profonde est
qu’en résolvant la crise de l’Europe et de l’Euro, sinon la
crise de la civilisation consumériste, on résoudra la crise
grecque, mais qu’en maintenant la Grèce sous perfusion à coup de
prêts conditionnés par des cures de plus en plus fortes
d’austérité, on ne sauvera ni la Grèce, ni l’Europe et qu’on
aura plongé les peuples dans le désespoir. 


Rejeter l’austérité suppose
d’abord de lever deux tabous qui sont à la base de la construction
européenne : l’inflation et le protectionnisme 


Le projet de la décroissance, c’est-à-dire celui de construire
une société d’abondance frugale ou de prospérité sans
croissance, implique de réhabiliter deux phénomènes qui ont pu
faire l’objet de politiques systématiques par le passé : le
protectionnisme et l’inflation. Les politiques tarifaires
systématiques de construction et reconstruction de l’appareil
productif, de défense des activités nationales et de protection
sociale, et celles de financement du déficit budgétaire par un
recours raisonné à l’émission de monnaie engendrant cette
« gentle rise of price level »  (inflation modérée)
préconisée par Keynes, ont accompagné l’exceptionnelle
croissance des économies occidentales de l’après guerre, ce que
l’on a appelé en France les trente glorieuses – à vrai dire la
seule période dans l’histoire moderne où les classes laborieuses
ont joui d’un relatif bien-être. Ces deux instruments ont été
proscrits par la contrerévolution néo-libérale et les politiques
qui voudraient les préconiser sont aujourd’hui anathémisées,
même si tous les gouvernements qui le peuvent y ont recours de façon
plus ou moins subreptice et insidieuse.

Comme tous les instruments, le protectionnisme et l’inflation
peuvent avoir des effets négatifs et pervers – et ce sont surtout
ceux-là que l’on observe aujourd’hui de leur utilisation
honteuse1
– mais il est indispensable d’y avoir recours intelligemment pour
résoudre de façon satisfaisante socialement les crises actuelles.
Eviter la catastrophe d’une austérité déflationniste, mais aussi
le désastre assuré d’une reprise productiviste.

Or pour cela, aujourd’hui, il faut probablement sortir de l’Euro,
à défaut de pouvoir le corriger. Il faut se réapproprier la
monnaie qui doit retrouver sa place : servir et non asservir. La
monnaie peut être un bon serviteur, mais elle est toujours un
mauvais maitre. 


Notons d’abord que la relance de madame Lagarde n’est pas la
relance productiviste de Joseph Stiglitz, c’est la relance de
l’économie de casino, celle de la spéculation boursière et
immobilière, pour l’essentiel. 


Et, en effet, pour les
gouvernements en place, le slogan « Et la relance, et
l’austérité » signifie la relance pour le capital et
l’austérité pour les populations. Au nom de la relance,
d’ailleurs largement illusoire, de l’investissement et totalement
fallacieuse de l’emploi, on baisse ou l’on supprime, les charges
sociales, la taxe professionnelle et l’impôt sur les bénéfices
des entreprises. On renonce à toute imposition des superprofits
bancaires et financiers, tandis que l’austérité frappe de plein
fouet les salariés et les classes moyennes et inférieures avec
baisse des rémunérations, réduction des prestations sociales,
recul de l’âge légal de la retraite (qui signifie concrètement
la diminution de son montant). Pour compléter le tout et préparer
la reprise mythique, on démantèle toujours plus les services
publics et on privatise à tout va ce qui ne l’a pas encore été,
avec suppression massive de postes (enseignement, santé, etc.). On
assiste à une étrange concurrence masochiste à l’austérité. Le
pays A annonce-t-il une baisse des salaires de 20 %, aussitôt, le
pays B annonce qu’il va faire mieux avec 30 %, tandis que C pour ne
pas être en reste s’empresse d’ajouter des mesures encore plus
rigoureuses. Sommées par la publicité omniprésente de continuer à
consommer toujours plus sans en avoir les moyens et à s’endetter
sans perspective de pouvoir rembourser, il faudrait en quelque sorte
expier la pseudo fête consumériste tout en continuant à la nourrir
dans la morosité. 


Cette politique d’austérité
stupide ne peut qu’engendrer un cycle déflationniste qui
précipitera la crise que la relance purement spéculative
n’empêchera pas ; et les Etats exsangues ne pourront plus
cette fois sauver les banques à  coup de milliers de milliards de
dollars. 


Cette politique est non seulement
immorale, mais elle est aussi absurde. On aura la faillite de l’Euro
sinon de l’Europe et
la catastrophe sociale. 


En attendant cette éventualité,
si les objecteurs de croissance étaient amenées à gérer les
affaires de la Grèce, par exemple, quelle serait leur politique ?
La répudiation pure et simple de la dette, c’est-à-dire la
banqueroute de l’Etat serait un remède de cheval qui résoudrait
le problème en le supprimant. Toutefois, cette solution radicale,
qui n’est pas à exclure et aurait volontiers la faveur des
« décroissants », risquerait de plonger le pays dans le
chaos. Le problème, en effet, est qu’en pratique, la crise
d’endettement des Etats n’est qu’un morceau du problème. La
réponse théorique à la seule question de la dette des Etats qui,
même pour les plus endettés, est de l’ordre du montant du PIB,
est autrement plus facile à faire que celle concernant la solution
de l’inflation mondiale des créances nées de la spéculation
financière2.
La menace d’un risque systémique est loin d’être écartée.

En ce qui concerne la dette
publique, son annulation risquerait de frapper non seulement les
banques et les spéculateurs, mais aussi directement ou indirectement
de petits épargnants qui ont fait confiance à leur Etat ou qui se
sont fait refiler par leur banque et à leur insu des placements
complexes comprenant des titres douteux. Une reconversion négociée
(ce qui équivaut à une banqueroute partielle), comme cela s’est
fait en Argentine après l’effondrement du peso, ou après un
audit, comme le propose Eric Toussaint et une coalition d’ONG pour
déterminer la part abusive de la dette, est sans doute préférable.
On peut même prévoir le maintien du titre pour les petits porteurs
et une dépréciation de 40 à 60 % pour les autres ou encore
recourir à un « haircut » fiscal3.
Pour apurer la dette restante, un accroissement des recettes fiscales
par une ponction exceptionnelle sur les profits financiers, comme le
fait la Hongrie, ne serait pas mal venue et la mise en place de la
fiscalité progressive avec, en tout premier lieu, dans le cas
français l’abandon réel
du bouclier fiscal et des niches scandaleuses.

Dans une société de croissance
sans croissance, ce qui correspond plus ou moins à la situation
actuelle, l’Etat est condamné à imposer aux citoyens l’enfer de
l’austérité, avec en prime la destruction des services publics et
la privatisation de ce qu’il est encore possible de vendre dans les
bijoux de famille. Ce faisant on court le risque de créer une
déflation et d’entrer dans le cycle infernal d’une spirale
dépressive. C’est précisément pour éviter cela qu’il faut
entreprendre de sortir de la société de croissance et de construire
une société de décroissance.





II Ni relance : Sortir de
la religion de la croissance. 






Face à cette menace très
présente, de bons esprits, comme Joseph Stiglitz, préconisent les
vieilles recettes keynésiennes de la relance de la consommation et
de l’investissement pour faire repartir la croissance. Cette
thérapie n’est pas souhaitable. Pas souhaitable, parce que la
planète ne peut plus le supporter, pas possible peut-être, parce
que, du fait de l’épuisement des ressources naturelles (comprises
au sens larges), depuis les années 70 déjà, les coûts de la
croissance (quand elle a lieu) sont supérieurs à ses bénéfices.
Les gains de productivité escomptables sont nuls ou quasi-nuls. Il
faudrait encore privatiser et marchandiser les dernières réserves
de vie sociale et faire croître la valeur d’une masse inchangée
ou en diminution des valeurs d’usage, pour prolonger de quelques
années seulement l’illusion de la croissance.

Toutefois, ce programme
social-démocrate qui constitue le fonds de commerce des partis
d’opposition n’est pas crédible, d’abord parce que ces partis
ne sont pas en état de remettre en cause le carcan de fer du cadre
néo-libéral qu’ils ont eux-mêmes contribué à construire au
cours des trente dernières années et qui suppose une soumission
sans faille aux dogmes monétaristes. L’exemple de la Grèce est
ici assez éloquent. 


Il s’agit de sortir de
l’impératif de la croissance, autrement dit, de rejeter la
recherche obsessionnelle de la croissance. Celle-ci n’est
évidemment pas (et ne doit pas être) un but en soi ; elle ne
constitue plus le moyen pour supprimer le chômage4.
Il faut tenter de construire une société d’abondance frugale, ou
pour le dire comme Tim Jackson de Prospérité sans croissance. 


 En effet, le premier objectif de
transition devrait être la recherche du plein emploi pour remédier
à la misère d’une partie de la population. Cela pourrait être
fait par une relocalisation systématique des activités utiles, une
reconversion progressive des activités parasitaires comme la
publicité ou nuisibles comme le nucléaire et l’armement, et une
réduction programmée et significative du temps de travail. Pour le
reste, c’est le recours à la planche à billets et donc à une
inflation contrôlée (disons plus ou moins 5% par an) que nous
préconiserions. Cette solution keynésienne
qui équivaut au recours à une monnaie fondante en stimulant
l’activité économique, sans pour autant rentrer dans logique de
la croissance illimitée, favoriserait la solution des problèmes
engendrés par l’abandon de la religion de la croissance.

Bien sûr, ce beau programme est
plus facile à énoncer qu’à réaliser. Dans le cas de la Grèce,
il suppose au minimum de sortir de l’Euro et de rétablir la
drachme, probablement inconvertible, avec ce que cela implique :
contrôle  des changes et rétablissement des douanes. Le nécessaire
protectionnisme sélectif de cette stratégie ferait horreur aux
experts de Bruxelles et de l’O.M.C. Il faudrait donc s’attendre à
des mesures de rétorsion et à des tentatives de déstabilisation
extérieures relayées par le sabotage des intérêts lésés de
l’intérieur. Ce programme semble donc aujourd’hui très
utopique, mais quand nous serons au fond du marasme et de la vraie
crise qui nous guette, il paraitra souhaitable et réaliste.





Conclusion : Dans
la tragédie grecque ancienne, la catastrophe, c’est l’écriture
de la strophe finale. Nous y sommes. Un peuple vote massivement pour
un parti socialiste dont le programme était classiquement
social-démocrate et, soumis à la pression des marchés financiers,
se voit imposer une politique d’austérité néo-libérale par ce
même parti obéissant aux injonctions conjointes de Bruxelles et du
Fond Monétaire international. Refuser démocratiquement ce diktat,
ce que l’Islande a pu faire, l’Euro en empêche la Grèce. Il est
clair que le peuple grec n’accepterait probablement pas dans sa
majorité, en tout cas pas facilement, les conséquences des ruptures
nécessaires pour une autre politique (sortie de l’Euro,
répudiation au moins partielle de la dette publique, mise au ban
probable de l’Europe et embargo des pays « spoliés »,
fuite de capitaux, etc.). Mais « le sang et les larmes »
suivant la fameuse formule de Churchill, sont déjà là, seulement,
sans l’espoir de la victoire. Le projet de la décroissance ne
prétend pas faire l’économie de ce sang et de ces larmes, mais au
moins, il ouvre la porte de l’espoir. La seule façon d’y
échapper, nous le souhaitons ardemment, serait de réussir à sortir
l’Europe de la dictature des marchés et construire l’Europe de
la solidarité, de la convivialité, ce ciment du lien social
qu’Aristote appelait la philia.










	1

	
	
		
	Selon la Banque mondiale, la conséquence du protectionnisme
	agricole du Nord serait un manque à gagner de 50 milliards de
	dollars par an pour les pays exportateurs du Sud. Le député vert
	Allemand, Sven Giegold, en a donné un autre exemple avec la
	politique fiscale allemande pour forcer les exportations.
	

	


	2

	
	
		 Selon
	la banque des règlements internationaux de Bâle, en effet, en
	février 2008 la création de produits dérivés atteignait 600 000
	milliards de dollars soit de 11 à 15 fois le produit mondial !
	Là, à part l’effondrement, même un décroissant n’a pas de
	remède miracle pour atterrir en douceur…
	

	


	3

	
	
		
	C’est ce que propose Thomas Piketti dans une tribune du journal
	Libération du 28 juin. Il s’agit de faire payer par les banques
	une partie du remboursement de la dette.
	

	


	4

	
	
		 Selon les calcul d’Albert
	Jacquard, (J’accuse l’économie triomphante, Calmann Lévy 1995/
	Poche 2004, p. 63), on estime qu’une croissance du PIB français
	de 4% par an entraînerait un recul du taux de chômage de 2%. A ce
	rythme-là, dans cinquante ans plus tard, le PIB aura été
	multiplié par 7 (+ 600%) mais le nombre de chômeurs ne baisserait
	que de 64 %. Etant donné que le chômage, toutes catégories
	confondues, concernait 5 millions de personnes en 2010, nous serons
	encore très loin du plein emploi en 2060, puisque subsisteraient un
	peu moins de 2 millions de chômeurs.  
	
	

	







Federico Demaria
R&D, Research & Degrowth (www.degrowth.eu)
Universitat Autònoma de Barcelona (UAB), Institut de Ciència i Tecnologia Ambientals (ICTA),  
Ecological Economics and Integrated Assesment Unit
Tel : +34 622 135 090 (mobile); +34 93 268 0904 (office); +34 93 268 72 98 (home). 
Email: federico.demaria a uab.cat      Skype: federicodemaria

 		 	   		   		 	   		  
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